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Brouillon

Le brouillon est le résultat des idées jetées en toute liberté. Les idées s’incarnent dans le corps, se concentrent dans la tête, transitent par le bras, et se jettent sur la feuille à travers la main dans une frénésie de petits mouvements, préliminaires de la liberté.

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La liberté de penser, de croire, d’écrire, de faire lire toutes les erreurs, toutes les ratures, qui sont le reflet de l’âme cachée derrière les idées. 

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On ne devrait pas demander d’écrire mais de brouillonner. La récriture, la correction, les suppressions sont des censures qui effacent une partie de l’âme de l’artiste. On ne devrait que brouillonner pour être spontané, entièrement soi accouchant d’une rêverie ; une rêverie comme un nouveau né, laid à la naissance, déformé par le travail, devenant beau en grandissant, en le lisant tel qu’il est, lui donnant la vie.

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La vie, le moi. Nous l’incarnons qu’une fois, un premier et unique jet, un brouillon. Certains sont naturellement plus doués que d’autres pour la vie et le premier jet est déjà une réussite. D’autres peaufinent, raturent, corrigent, mais ce qui est jeté sur le papier ne peut s’effacer ; les traces restent, même cachées derrière la beauté du dernier jet. Alors la vie, comme le brouillon, devient une œuvre unique avec toutes ses ratures et erreurs assumées, non lissé portant une âme. Notre seule et unique vie n’est qu’un brouillon. Corrigé, mise en page, le brouillon devient livre ; la vie devient une vitrine sur le moi. Alors que les autres nous présentent le livre de leur vie, le moi ne peut vivre que le brouillon de sa vie.

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Le brouillon, bien qu’imparfait est infiniment plus beau que le livre, l’âme s’y projette dans toute sa vérité. Vivre en brouillon est la liberté, notre seule liberté entièrement soi.

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